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À votre écoute

L’AUTRE FEMME

Texte proposé par madame Juliette Paradis

Après vingt-cinq ans de mariage et toute une vie de travail, un jour, ma femme me dit qu’il était temps pour moi de commencer à sortir avec une autre femme. Elle m’a pris par surprise, en disant : « Je sais que tu l’aimes … la vie est si courte et je pense que tu devrais commencer à sortir avec elle. Même si tu continues à m’aimer comme ta femme, il est évident que tu l’aimes elle aussi ». L’autre femme, c’était ma mère.

Veuve depuis dix-neuf ans, ma mère vivait toute seule dans une résidence pour personnes autonomes. Je lui rendais visite occasionnellement, mais à cause de mon travail et de ma vie familiale, je n’avais pas beaucoup de temps pour elle. Ma mère ne voulait jamais nous déranger, alors elle a été étonnée lorsque je lui ai téléphoné pour lui demander de la voir. Elle était inquiète et pensait que j’allais lui annoncer de mauvaises nouvelles. « Maman, je pense que ce serait très agréable si on passait plus de temps ensemble, on pourrait commencer par aller souper ensemble et ensuite, aller au cinéma ». Ma mère a été agréablement surprise et a accepté l’invitation immédiatement.

Le vendredi suivant, pendant que je conduisais ma voiture pour me rendre chez elle, je me sentais un peu nerveux et fébrile, comme quand j’étais jeune. C’est comme si j’avais invité une fille à sortir!
Ma mère m’attendait, prête, à la porte de sa résidence. Elle portait son vieux manteau bleu, sa coiffure était impeccable et son beau sourire lui donnait l’air d’un ange! Elle était toute fière quand ses amies nous ont vus sortir et aller vers ma voiture; elle m’a pris par le bras et je me suis senti l’homme le plus heureux du monde.

Ce n’était pas un restaurant haut de gamme, mais l’ambiance était chaleureuse et intime. Ma mère m’a demandé de lui lire le menu, car sa vue ne lui permettait plus de lire. Je la voyais sourire et ses yeux brillaient aux reflets des chandelles. Elle était heureuse et si belle! On a mangé tranquillement pendant qu’on se rappelait de vieux souvenirs, de mon père et de moi quand j’étais petit… Ce fut une soirée magique! À la fin de la soirée, on s’est promenés dans le parc et le temps a passé si vite que nous avons oublié le cinéma!

Lorsque je l’ai raccompagnée à la résidence, je lui ai demandé si elle voulait sortir de nouveau avec moi la semaine suivante. Elle m’a dit oui, mais à une condition, que je la laisse payer la prochaine fois. « Alors à la semaine prochaine, maman! » lui ai-je répondu. Elle m’a embrassé et nous nous sommes regardés dans les yeux en souriant, comme des enfants!

Quelques jours plus tard, ma mère est décédée d’un infarctus. Tout a été si rapide!

Une semaine après ses funérailles, j’ai reçu par la poste une enveloppe du restaurant où j’étais allé souper avec ma mère. La note disait : « Cher fils, j’ai déjà réservé un souper pour deux personnes au restaurant. Tout est déjà payé. Mais, j’ai le pressentiment que je n’y serai peut-être pas. Cependant, j’aimerais que tu y ailles avec ta femme et que vous passiez une belle soirée comme celle que nous avons passée ensemble… Mon fils, je t’aime! »

Tout à coup, j’ai eu les larmes aux yeux en pensant à ma mère qui m’a aimé de tout son cœur, alors que moi, je l’avais oubliée pendant des années. J’ai compris l’importance de dire « Je t’aime » à ceux qu’on aime et de ne pas attendre trop longtemps, car un jour, il pourrait être trop tard.

Mariano OSORIO. « L’autre femme », La victoire de l’amour, mai 2021.

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