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Entrevue

ENTREVUE AVEC MADAME MONIQUE BÉLANGER : Une écrivaine qui apprivoise son handicap visuel

Par Daniel St-Pierre

Bonjour Madame Bélanger, merci d’avoir accepté de faire cette entrevue avec moi. Juste pour situer nos lecteurs, madame Monique Bélanger, c’est la personne qui rédige à chaque édition du journal, la chronique sur la trace de nos ancêtres, qui est très appréciée d’ailleurs…

Madame Bélanger, j’aurais une question pour vous, pourriez-vous vous présenter un peu à nos lecteurs ? Vous pourriez nous dire d’où vous venez, quel est votre handicap visuel et ce que vous faites dans la vie.
Je suis née à Amqui le 4 mai 1930. Tu peux calculer, ça donne 91 ans. En 91 ans, on a le temps de faire beaucoup de choses. Actuellement, bien sûr, je suis retraitée depuis 1995. J’ai poursuivi une vieillesse active jusqu’à présent, malgré les limitations que m’impose la dégénérescence maculaire.

Donc, vous avez une dégénérescence maculaire?

Oui, elle a été diagnostiquée il y a à peu près 20 ans. Quand elle est diagnostiquée au tout début, ça ne nous handicape à peu près pas. C’est graduellement qu’on commence à en percevoir les effets. Ma limitation la plus forte, c’est surtout depuis 5 ou 6 ans. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à avoir les services du centre de réadaptation, le centre l’InterAction, et je trouve que c’est extrêmement important de recevoir leur aide. Ça nous permet de mieux comprendre cette maladie, puis de nous fournir des moyens de compenser autant que possible avec des appareils adaptés à notre condition. C’est ce qui m’a permis de continuer à lire et écrire, plus difficilement bien sûr. Ça prend plus de temps, mais je peux encore le faire, même si ma vision centrale est presque complètement disparue.

On m’a dit que vous aviez réalisé un beau projet dernièrement, de quoi s’agit-il ?

Il s’agit de la publication d’un livre, mais encore là, c’est une longue histoire… Il y a une trentaine d’années, un de mes frères a fait le tableau généalogique de notre famille. Alors, on avait sous les yeux les noms de tous nos ancêtres, depuis les premiers arrivés de France, jusqu’à mes parents. Il y avait à peu près 850 personnes, dont les noms avaient été relevés et placés dans leur génération. On voyait bien les liens de parenté. J’ai été fascinée en regardant ce grand tableau.

J’ai relevé des informations biographiques élémentaires pour chaque personne. Je me suis rendue compte qu’à partir de mes trisaïeuls, ce qui veut dire les grands-parents de mes grands-parents, ils étaient arrivés au Bas-Saint-Laurent au moment où la colonisation commençait dans notre région. Les jeunes agriculteurs du centre du Québec ne trouvaient plus de fermes où s’établir. Alors ils ont commencé à regarder vers l’Est, puis ils se sont dirigés vers notre région où le gouvernement commençait à fournir des terres sur lesquelles ils pouvaient s’installer. Quand ils arrivaient, on leur donnait un lot en bois debout, ou ils en achetaient un d’un autre qui s’était découragé.
Il y a surtout 4 couples de mes ancêtres qui sont venus s’installer ici au Bas-Saint-Laurent.

Mes ancêtres paternels, les Bélanger d’abord, sont arrivés à Saint-Simon et les Roy ensuite, à Saint-Fabien. Il s’agissait de jeunes gens qui se sont installés sur des lots, d’abord pour couper le bois, bâtir une habitation, commencer aussi à défricher le terrain pour pouvoir semer et récolter. Après quelques années, ils se sont mariés, et avec leurs épouses ont commencé à élever des familles. Par contre, mes ancêtres maternels, les Imbault partaient de La Malbaie. Ils sont arrivés à Matane. il s’agissait d’un couple avec 5 enfants. Un lot en bois debout leur a été concédé par la seigneuresse de Matane en juin 1824. On sait qu’à Matane, l’automne vient vite, et l’hiver aussi. Ça leur donnait très peu de temps pour pouvoir préparer une demeure habitable, assez chaude, et avoir de quoi se nourrir au cours de l’hiver.

On imagine le défi énorme que ces jeunes gens tentaient de relever en venant s’installer comme ça sur une terre nouvelle. Ils avaient probablement, comme tous les jeunes, des rêves d’avenir et ils contribuaient à bâtir une région. Moi, je leur rends hommage, mais je rends hommage aussi à tous les autres de cette époque. Ils sont quelques unités, parmi une multitude d’autres, qui ont aussi commencé sur des terres en bois debout de notre région, qu’ils ont rendues habitables. Ils les ont léguées aux générations suivantes qui, graduellement, ont contribué au développement et à l’amélioration des conditions de vie. Chaque génération essayait de laisser davantage aux générations suivantes, que ce qu’ils avaient eux-mêmes reçu. Mon livre présente la biographie de 11 familles bas-laurentiennes.

C’est une belle mission de leur rendre hommage, est-ce que c’est ce qui vous a amené à écrire votre livre, leur rendre hommage ?

Ça a été fait graduellement. En fait, j’écrivais de temps en temps des biographies familiales quand j’avais suffisamment d’informations. Ensuite, j’avais des demandes des sociétés de généalogie qui cherchent toujours des contributions pour leurs revues. Les sociétés de Matane et de la Matapédia ont publié chacune 2 articles. Celle de Rimouski en a publié 4. J’avais ainsi plusieurs chapitres qui étaient presque prêts. Puis, il y en avait 2 ou 3 autres moins avancés. J’ai essayé, ces dernières années, de les compléter. Ensuite, il fallait réaménager l’ensemble, ajouter une introduction et une conclusion.

Il restait à passer à la publication avec l’aide de personnes qui pouvaient m’aider, surtout à cause de ma mauvaise vision. Ce sont mes nièces surtout qui m’ont aidée pour la préparation du livre :la relecture finale du manuscrit, la mise en page au format choisi, l’insertion des 88 photos. C’est aussi une de mes nièces qui a dessiné la maquette de la couverture du livre. Cette aide généreuse m’a permis, finalement, de me rendre à la publication.

Qu’est-ce que vous avez eu comme obstacle en lien avec votre handicap visuel?

C’est surtout la difficulté de lire les textes originaux écrits à la main. À partir du moment où ma vision était trop déficiente, c’était très difficile. Heureusement, avec les appareils grossissants, j’ai pu surmonter cet obstacle. C’est beaucoup plus lent, parce qu’on n’en voit qu’une petite partie à la fois. Je pouvais aussi utiliser la synthèse vocale, pour écouter simplement certains textes à l’écran de l’ordinateur.

Daniel : C’est plus long, mais on est capable de faire quand même de quoi!
Monique Bélanger : Bien, oui !

Pour conclure cette petite entrevue, est-ce que vous auriez un mot à dire pour nos membres, pour les encourager à dépasser la barrière de leur handicap ?

Comme pour tout autre obstacle, je pense qu’il faut d’abord garder des rêves, garder des projets et des centres d’intérêt en vieillissant. Déjà, même sans handicap, en vieillissant, on perd un peu de capacités. Je pense que c’est important de garder des centres d’intérêt. Ensuite, dans les cas de handicap, comme celui des pertes de vision, je pense que l’aide que peut nous apporter le centre l’InterAction est indispensable. Je pense que c’est important de vraiment rencontrer les intervenants, puis de profiter des conseils qu’ils nous donnent, et des appareils qu’ils peuvent nous fournir, pour nous aider à dépasser les limites de nos propres yeux.

Votre livre est disponible à quel endroit ?
Actuellement il est disponible seulement sur Amazon. Mais je vais vérifier s’il est possible qu’une librairie de Rimouski le mette en vente localement. Ce serait peut-être plus facile pour ceux qui maîtrisent moins l’internet et les commandes en ligne.

Merci beaucoup madame Bélanger, on va rappeler le titre de votre livre, c’est : Mes ancêtres bas-laurentiens au fil des générations et de l’histoire.
Il est disponible sur le site web d’Amazon, merci beaucoup et à la prochaine.

Pour ceux qui le désirent, voici le lien pour se procurer le livre de madame Bélanger sur Amazon :
https://www.amazon.ca/dp/2982045605/ref=cm_sw_em_r_mt_dp_JZM7B744W49Z83T7S2H6

Post-scriptum: Madame Monique Bélanger est présentement en lien avec la SQLA pour que son livre soit rendu disponible en tant que livre audio adapté aux personnes avec déficience perceptuelle. À suivre.