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À votre écoute

La chronique « À votre écoute » est réservée à nos lecteurs qui souhaitent partager un texte avec nous tous. Que vous en soyez l’auteur ou que ce soit un texte que vous avez trouvé intéressant, nous vous invitons à nous le soumettre en nous indiquant vos sources.

Commémoration d’Émile Banville par Gaétan Banville à partir du texte de M. Gilbert Banville.

Cette année nous fêtons le 100e anniversaire de la fin de la guerre 1918. En 1920, mes grands-parents, Germain Banville et Marcelline Lepage eurent le petit dernier, Émile. Germain, est décédé d'un cancer en 1924. Mon oncle Jean-Baptiste hérita de la ferme paternelle. En 1940, demeurait dans la maison natale, Jean-Baptiste sa femme et mes oncles Maurice, Joseph et Émile, les trois plus jeunes frères ainsi que ma grand-mère. Sauf mon oncle Jean-Baptiste, qui avait fait les Éléments latins au Séminaire Saint‐Alexandre de Hull, seuls les deux derniers avaient étudié au‐delà de la petite école, soit deux ans à l'École Moyenne d'Agriculture de Rimouski.
La deuxième guerre mondiale éclata en 1939. C’est en 1942 que le gouvernement de Mackenzie King décréta la conscription. Mon oncle Joseph y échappa par son engagement à travailler sur la ferme paternelle avec Jean-Baptiste qui était soutien de famille. Mon oncle Maurice s’enrôla de bon gré car, selon les dires du clergé d’alors, « celui qui donne sa vie pour sa patrie est sûr d'aller au ciel carré ». Il aimait l’entraînement militaire, la discipline et l’uniforme; il n’avait jamais été aussi bien habillé de toute sa vie! À Rimouski, à l’est de la rue de la Cathédrale, sur le plateau qui s'étend jusqu'au pied de la Côte‐à‐Bélanger, il y avait un camp militaire, le « Camp 55 », où Maurice et Émile firent leur entraînement. Le 6 juin 1944 à 8 h 45, le soldat Maurice, matricule E10414, débarque sur la plage Juno et se retrouve en enfer où il se bat avec les autres diables pour s’emparer de Bény‐sur‐Mer, de Bernières, de Carpiquet et libérer la campagne de Normandie envahie par les Nazis. Jusqu’à la fin de la guerre en 1945, il poursuivra les Boches à travers la France, la Belgique, la Hollande et jusqu’en Allemagne. Deux mille quarante‐neuf canadiens reposent au cimetière de Bény‐sur‐mer. « Pas lui». Avec seulement trois blessures mineures, il s’en est tiré! Il avait passé trois ans outre‐mer avec le Régiment de la Chaudière. Après la guerre, il est revenu au Canada sur le Mauretania II qui le débarqua à Halifax. Quant à mon oncle Émile, il fut officiellement conscrit. Il avait 22 ans. Il essaya en vain d'échapper à la police militaire ‐"les Spotters" comme on les appelait mais il s'est vite fait ramasser pour de bon. Il appartenait désormais au «22e Régiment des Fusiliers du Saint Laurent», un corps d’infanterie. De ce que j’ai entendu, Mon oncle Émile était beau, vaillant et intelligent. Un visage rond, des yeux rieurs! Une certaine ressemblance avec mon frère Léonard ou Camille un de mes cousins. Il était amoureux de Rolande Bérubé, une fille de Rimouski. Il aimait la chasse, la pêche et il chantait tout le temps, naturellement. Tout le monde autour l'admirait pour ce talent car il avait une très belle voix et une mémoire étonnante. Il écoutait une chanson une ou deux fois et il la savait déjà, disait-on. Les chansons de Charles Trenet étaient ses préférées. Par exemple, «Quand j'étais p'tit, je vous aimais sans rien vous dire...» ou bien «Je chante, je chante soir et matin…» et encore «Y’a d'la joie». Il interprétait aussi des chansons du Soldat Lebrun dont la célèbre «Grand‐Maman, ah oui Grand Maman». Dans la région de Rimouski, beaucoup de gens écoutaient la radio, «une radio à batteries». À part de réciter «le chapelet au radio», nous écoutions tous, les «Nouvelles de la Guerre», «Séraphin», «La Fiancée du Commando» et «Les secrets du docteur Morange». De plus, avant dîner, il y avait «Les Joyeux Troubadours» et, après dîner, «Le Réveil rural». Le samedi soir vers les huit heures, le poste CJBR de Rimouski diffusait en direct une émission entièrement animée par les recrues du Camp 55, où mon oncle Émile chantait chaque fois. L’émission débutait et se terminait par un indicatif musical très entraînant que chacun sut bientôt par cœur et qui se fredonnait souvent comme l'expression d'une pensée joyeuse pour les amis enrôlés dans l'Armée Canadienne: Le 55 oui oui oui! Le 55 non non non! Le 55 ne périra pas! Un beau dimanche où tout le monde à la maison semblait inquiet, bizarrement affairé; rien ne pressait pourtant. Exceptionnellement, on ne parlait pas beaucoup. Mon oncle Émile était en permission; sa dernière, puisqu'il retournait au Camp 55 le lendemain, d'où il serait transféré par train à Halifax dans les jours suivants. Il faisait ses derniers préparatifs. L'atmosphère était lourde: consternation devant l'inévitable… il partait pour la Guerre! Au beau milieu de l'été 1943, un soir vers les sept heures, le téléphone sonne chez mon oncle Jean-Baptiste. C’est ma grand-mère qui répond; On lui annonce qu’«Émile est mort» au champ de bataille. Plus tard, l'on apprit qu'il avait été frappé par un éclat d'obus le 27 juillet, que c'était lors du débarquement de Sicile, et qu'il était enterré dans un cimetière militaire au pied du Mont Etna. La nouvelle s’est vite répandue. Ses amis en parlaient à voix basse, un motton dans la gorge. D’autres jouaient les durs en disant: «Ça empêche pas que la guerre, c’est des maudits jeux pour se faire tuer!».
Je remercie mon cousin Gilbert et son épouse Micheline pour avoir organisé ce splendide rassemblement fort émouvant qui a réuni une centaine de membres des quatre générations de la famille Banville. Saint-Narcisse-de-Rimouski, 29 juillet 2018, invitations publiques. Bulletin paroissial de St Narcisse Messe en mémoire du soldat Émile Banville (1920-1943). La 2e Guerre mondiale a fait 42 000 morts et 53 000 blessés parmi les soldats canadiens ayant combattu dans les troupes Alliées. De tous les hommes de Saint-Narcisse qui sont allés courageusement «servir la patrie», un seul n'est pas revenu. Il s'agit du plus jeune fils de Germain Banville et Marcelline Lepage, Émile Banville, tombé sous les tirs ennemis le 27 juillet 1943, en Sicile, à l'âge de 23 ans. Devoir de mémoire à partager, les neveux et nièces d'Émile et leurs familles se rassembleront le 29 juillet prochain à l'église de Saint-Narcisse, afin de commémorer le 75e anniversaire de son décès au nom de la paix et de la liberté. Tous les paroissiens de Saint-Narcisse sont chaleureusement invités à venir se recueillir avec la famille Banville pour rendre hommage à Émile et le faire revivre en même temps que ses frères et sœurs décédés depuis: Mathilda, Hector, Germain, Albert, Jeanne, Jean-Baptiste, Bernadette, Omer, Joseph et Maurice. La cérémonie aura lieu le dimanche 29 juillet à 10 h. Bienvenue à tous et à toutes.